En nous rendant sur l’île d’Hokkaido, nous avions clairement un objectif. Outre celui de parcourir la nature sauvage de l’île la plus septentrionale du japon, nous voulions aussi en apprendre un peu plus sur les Aïnous.

Les Aïnous : un peuple autochtone méconnu

Principalement établis sur l’île d’Hokkaido, mais aussi au sud de l’île Sakhaline et du Kamtchatka, ainsi qu’aux îles Kouriles, les Aïnous sont un peuple autochtone plutôt méconnu. Contrairement aux Inuits par exemple, on ne sait que très peu de chose sur leur histoire.

Comme de nombreux autres peuples indigènes, les Aïnous ont été victimes de discrimination et de stigmatisation. Pendant longtemps, le gouvernement japonais a voulu assimiler l’ethnie des Aïnous au reste de la population nippone. En 1869, sous l’ère Meiji, l’île d’Hokkaido a officiellement été annexée. La mise en place de lois a alors considérablement restreint les activités culturelles des Aïnous. Jusqu’en 1997, année au cours de laquelle a été votée la loi sur la promotion de la culture aïnoue et la diffusion des connaissances relatives à leurs traditions, le peuple Aïnou avait pour interdiction de parler sa langue ou de pratiquer ses coutumes. Le peuple Aïnou a été contraint de se plier à la politique d’assimilation et d’oppression mise en place à l’époque par les autorités.

Ainu music festival akan hokkaido 6

Le peuple Aïnou aujourd’hui en pleine reconnaissance

Mais les Aïnous n’ont rien lâché et plusieurs voix se sont élevées pour réaffirmer leur origine et leur culture. Grâce à Shigeru Kayano, écrivain militant et premier Aïnou à siéger au Sénat, le peuple Aïnou est enfin entendu en 2006 alors que le premier parti politique Aïnou voit le jour en 2012.

Plus récemment, en 2019, le Japon a officiellement reconnu les Aïnous comme peuple indigène. Une nouvelle loi vise à l’instauration de mesures pour soutenir les communautés, et doper l’économie locale et le tourisme.

« C’est une première étape pour garantir l’égalité« , a ainsi confié à l’AFP Mikiko Maruko, qui représente un groupe d’Aïnous résidant dans l’est du Japon. « Il y a tant de choses à faire, par exemple créer un programme national de bourses pour les familles qui n’ont pas les moyens de payer les études de leurs enfants« , a-t-elle rajouté.

En 2019, la chaîne de télévision NHK s’est penchée sur l’histoire du peuple Aïnou à travers le regard de Takeshiro Matsuura. Ce célèbre explorateur du XIXe siècle, interprété pour l’occasion par Matsumoto Jun, a été le premier à s’intéresser à la culture des Aïnous.

DSC08123

Aujourd’hui, le peuple Aïnou est plus que jamais sous les feux des projecteurs, notamment grâce aux Jeux Olympiques de Tokyo, initialement prévus en 2020 mais repoussés à l’été 2021, en raison du coronavirus.

Le pays doit également ouvrir le tout premier musée dédié à la culture Aïnou. Attendu pour le 29 mai 2020, ce monument culturel sera à découvrir près de Shiraoi et mettra bien évidemment à l’honneur la langue Aïnoue, leur histoire et leur culture.

Us et coutumes chez les Aïnous

Comme la plupart des peuples autochtones, le peuple Aïnou est très proche de la nature et vit en parfaite harmonie avec tous les éléments qui la composent. Les Aïnous considèrent que chaque élément de la Nature, comme le feu, l’eau, ou la flore, est associé à un esprit divin appelé Kamuy. Chasseurs, pêcheurs et cueilleurs, les Aïnous ont aussi leurs propres contes, légendes et épopées héroïques. Ils parlent leur propre langue, qui est transmise à l’oral mais n’a pas de forme écrite.

La musique et la danse ont également une place très prépondérante dans la culture Aïnoue.
La grande partie du temps, sans instruments de musique, seuls les voix et les claquements de mains rythment les danses.
La musique traditionnelle se caractérise elle par plusieurs genres, comme le yukar, une forme de longue poésie épique, mais aussi les chants upopo, reproduits sous la forme de canon aux motifs courts et interprétés a cappella par de petits groupes de femmes. Rendez-vous un peu plus bas pour écouter quelques chants Aïnous.

Akan Ainu Theater ikor dance hokkaido 3

Le tatouage était aussi très important dans la culture Aïnoue, surtout chez les femmes qui avaient pour habitude de se faire tatouer le dessus des sourcils, les contours des lèvres, à la manière d’un maquillage, et les bras.

Comme chez de nombreux peuples autochtones, les tatouages permettaient de définir le statut social mais avaient également une dimension protectrice. Le tatouage autour de la lèvre supérieure était par exemple un symbole d’arrivée à maturité, prenant sa forme définitive au mariage.

Les hommes, eux, arboraient une longue barbe, considérée à l’époque comme un signe de beauté.

A la rencontre des Aïnous sur l’île d’Hokkaido

Si vous souhaitez découvrir de plus près la culture très riche des Aïnous, il faut vous rendre à Hokkaido, berceau du peuple Aïnou. C’est ici que nous avons eu la chance d’écouter les fameux chants Aïnous et découvrir leurs très belles danses.

Le Parc National Akan est un point de chute incontournable pour mieux s’imprégner de leur histoire et leur culture.

Ainu Akan_Hokkaido_Japan_1

Ainu Akan Kotan Hokkaido 8

Bien sûr, il y a le village-réserve ainu Akan Kotan. Créé dans les années 1950, ce village a pour but de protéger ce peuple autochtone d’Ezo (l’ancien nom d’Hokkaido). Ainsi, 120 descendants y habitent et dévoilent leur artisanat et leur culture. Très plébiscité par les touristes et nombreux curieux, on ne vous cache pas que ce village peut avoir des allures de parc Disneyland. Mais il n’empêche que ces petites boutiques typiques sont l’occasion de découvrir les inspirations des artisans et leur minutieux travail de gravure sur bois. Chouette, renard et ours font partie des animaux les plus représentés dans leur travail.

La musique et les danses traditionnelles, socles de la culture aïnoue

Juste derrière cette rue principale, on trouve le théâtre Ikor qui propose, chaque soir, des démonstrations de danses. Inscrite en 2009 au Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, la danse traditionnelle aïnoue est très riche avec notamment la « danse de la grue », la « danse de la fille Aïnoue aux cheveux noirs », ou encore la « danse de l’arc ». Si certaines danses consistent à imiter les cris et les mouvements des animaux ou des insectes, d’autres étaient réalisées lors de danses rituelles, comme la très contestée Iyomante, également connue sous le nom de la « cérémonie de l’ours ».

Ainu Akan Kotan Hokkaido 7

Akan Ainu Theater ikor dance hokkaido 4

Pendant 30 minutes, les artistes enchaînent chants et danses dans un merveilleux décor mettant à l’honneur la nature. Ils nous font entrer dans leur monde et leur culture. Ils nous expliquent également la signification de chaque danse et vont même jusqu’à faire participer le public sur la « danse du plateau ».

Akan Ainu Theater ikor dance hokkaido 2

Akan Ainu Theater ikor dance hokkaido 1

Sur scène, femmes et hommes portent l’attushi, la tenue traditionnelle. Arborant des motifs géométriques aïnous fluides et brodés, le tissu de l’attushi est confectionné à base de fibres de bois.

Découvrez trois extraits de chansons aïnoues :

Au village-réserve Akan Kotan, les hôtels affichent aussi fièrement le style Aïnou avec plusieurs sculptures en bois exposées dans les halls.

Akan Kotan Ainu Hotel 2

Côté gastronomie, rendez-vous chez Poronno qui propose un ramen spécial Aïnou ainsi que le Potche, un plat typique à base de patates fermentées, servi avec du Kombucha, un kelp tea.

Découverte du Akan Yukar Utasa Festival

Lors de notre voyage à Akan, nous sommes également tombées sur le festival ‘Akan Yukar Utasa Festival‘ mêlant musique traditionnelle Aïnoue et musique moderne. Sous une tente aménagée au pied du lac Akan, les artistes ont offert aux spectateurs, dont plusieurs Aïnous, un très beau moment musical.

Ainu music festival akan hokkaido 2

Ainu music festival akan hokkaido 1

Ainu music festival akan hokkaido 3

Là encore, les tenues traditionnelles étaient de sortie. Pour l’occasion, didjeridoo, mukkuri (une harpe buccale en bambou faisant le même son que la guimbarde) et tonkori (une sorte de cithare) s’étaient invités sur scène pour accompagner les somptueux chants aïnous. Un moment qui restera tout simplement gravé à jamais !

Ainu music festival akan hokkaido 5

La culture aïnoue à Sapporo et Abashiri

A Sapporo aussi, le peuple Aïnou était bien représenté à l’occasion du Sapporo Snow Festival. Visité chaque hiver par de nombreux japonais, le Sapporo Snow Festival est l’occasion d’admirer plusieurs immenses sculptures de neige et de glace. Cette année, deux grandes fresques glacées mettaient à l’honneur la culture Aïnoue.

Enfin, si vous êtes de passage à Abashiri, filez donc faire un tour au Musée des Peuples du Nord. Outre les cultures Inuit ou Sami, vous y découvrirez un peu plus sur la culture Aïnoue avec des instruments de musique, des tenues traditionnelles ou encore des objets artisanaux confectionnés à l’époque.

Culture Aïnoue : quelques pistes pour aller plus loin

Si vous êtes intéressé par la culture des Aïnous, et que vous aimeriez en apprendre encore davantage sur eux, découvrez quelques conseils de lecture et recommandations musicales.

– Our Land Was A Forest: An Ainu Memoir (en anglais) de Kayano Shigeru.

– Tombent, tombent les gouttes d’argent chants du peuple aïnou – Auteur inconnu / Chants du peuple ainou.

Oki Dub Ainu Band
Ce groupe japonais se compose, entre autres, du musicien aïnou Oki, fils du sculpteur sur bois Bikki, de son vrai nom Hisao Sunazawa.

Imeruat
Imeruat (« foudre » en aïnou) se compose de la chanteuse Mina Sakai et du compositeur Masashi Hamauzu, tous deux anciens membres du groupe Ainu Rebels, formé en 2006 et dissous en 2010
Leur nom de vous ait certainement pas inconnu puisque Masashi Hamauzu est à l’origine de plusieurs épisodes de Final Fantasy. De son côté, Mina Sakai a prêté sa voix à la bande-originale de Final Fantasy XIII.

Marewrew
Marewrew (« papillon » en langue aïnoue) est un groupe de chanteuses, originaires de l’île d’Hokkaido. Elles mettent à l’honneur le chant traditionnel upopo et se consacrent ainsi à la préservation de la culture musicale de leur peuple.