Rentrée littéraire 2019 : la sélection du froid

On vous dévoile nos coups de cœur de cette rentrée littéraire 2019, avec les immanquables du froid qui vont vous faire voyager au Groenland, en Norvège, en Islande ou encore en Sibérie !

De pierre et d’os – Bérengère COURNUT / Editions Le Tripode

Uqsuralik, une jeune fille Inuit, se retrouve séparée de sa famille à l’entrée de l’adolescence. Elle est livrée à elle-même et doit réapprendre à vivre afin de survivre ! Commence alors un long voyage à travers l’immensité blanche glacée de l’Arctique à la rencontre d’autres êtres vivants. Elle connaîtra la faim, le froid, la désolation et la solitude et devra apprendre les techniques de chasse à l’aglu pour chasser le phoque annelé et se nourrir.

Encore sous le charme de cet excellentissime roman !

Du Groenland à l’Arctique Canadien en passant par la Sibérie, voilà une belle porte
d’entrée pour découvrir les cultures du peuple Inuit, où la nature domine les Hommes.
Ce roman d’apprentissage est également un véritable hymne à la vie et à la femme. On y découvre le pouvoir des femmes, les stratégies sociales et les rites pour permettre
les grossesses tel que l’échange des conjoints…

Le chant et le chamanisme tiennent un rôle important dans la société traditionnelle
Inuit, et rythment une bonne partie du récit. Des chants très inspirés de ceux
récoltés par des explorateurs et ethnologues tels que Knud Rasmussen ou Paul-Emile
Victor.

On a également adoré l’aspect très documenté de ce roman et le cahier de
photographies que l’on retrouve en fin d’ouvrage.

A travers ce roman, l’auteure nous sensibilise également sur l’arrivée de l’homme
blanc colonisateur qui a changé les habitudes de vie des Inuits. Un débat très actuel
autour de l’appropriation culturelle des peuples autochtones.

Editions Le Tripode 19€ – 256 pages

Les voyages de Cosme K – Philippe GERIN / Editions Gaïa

Cosme K fuit son passé et se réfugie dans l’errance qui va d’abord le conduire chez Maïken, installée sur les îles Vesterålen en Norvège. Sa route le mène ensuite sur la
rive Est du lac Baïkal en Sibérie. Il y rencontre Olga à qui il fait la promesse de se rendre à Singapour pour remettre un message à Ivan…
Son frère se lance sur ses traces et rencontre les hommes et les femmes qui ont partagé la vie de Cosme K une dizaine d’année auparavant. Quel est ce lourd secret de
famille qui le pousse à fuir toujours plus loin ?

Un véritable voyage à travers ce roman initiatique ! La solitude du Baikal, l’aridité des îles Vesterålen en opposition avec l’effervescence de Singapour… Le tourmenté Cosme K nous fait découvrir des paysages majestueux.
On a particulièrement aimé suivre Cosme K dans ses excursions à la rencontre des
baleines depuis Andenes, retrouver la petite Svetlana patiner sur l’immensité glacée
du Baïkal, s’imprégner de l’ambiance des vieilles datchas, de l’odeur de l’omoul…
La description des lieux est une véritable invitation aux voyages de Cosme K !

C’est avec brio que Philippe Gerin rassemble les pièces du puzzle dispersées par le
monde, jusqu’à la découverte de ce terrible secret de famille dans les toutes
dernières pages du roman.

Editions Gaïa 20€ – 288 pages

Gaeska – Eiríkur Örn Norddahl / Editions Métailié

A Reykjavik, en Islande, le député du parti conservateur, Halldor Gardar, se réveille un matin dans un monde en plein bouleversement. Le Mont Esja brûle, Austurvöllur est envahie par les manifestants, les femmes se défenestrent…
Puis, tout change sur l’île, les femmes prennent le pouvoir, renégocient la dette et ouvrent le territoire à près de 90 millions de réfugiés.

Gaeska, traduit « la bonté » en français, pourra être qualifié de roman politique. Une véritable critique de la société islandaise, du gouvernement, de l’immigration…
Ce roman inhabituel mais inoubliable est ponctué de nombreux événements surréalistes. Le texte peut parfois devenir dérangeant, mais Eiríkur Örn Norddahl nous livre une version farfelue de l’avenir de notre monde !

Une lecture qui bouscule les codes et interpelle, au cours de laquelle on ne peut
évidemment pas s’empêcher de faire un parallèle avec la grande crise financière qu’a connu l’Islande en 2008. Ce beau roman nous prouve une nouvelle fois que la littérature islandaise abonde d’immenses auteurs !

Editions Métailié 18€ – 272 pages

Un monde sans rivage – Hélène GAUDY / Editions Actes Sud

En août 1930, sur l’île de Kvitøya, une des îles les plus reculées à l’ouest de l’archipel du Svalbard, des chasseurs de morses font la découverte de plusieurs objets portant l’inscription Andrees pol. exp 1896.
Une exceptionnelle fonte des glaces fait réapparaître les corps des trois suédois Salomon August Andree, Knut Fraenkel et Nils Strindberg, partis en ballon le 11
juillet 1897, avec l’intention de survoler le Pôle Nord et de cartographier la région.
Plusieurs rouleaux de négatifs sont retrouvés et permettent alors de découvrir une partie de l’errance de ces explorateurs sur la banquise qui durera trois mois.

Ce roman est une véritable ode à la photographie et au travail de Strindberg qui a permis de découvrir une partie de ce que fut cette expédition avortée. La photographie de couverture témoigne du ballon écrasé sur l’île blanche, suite à sa chute le 14 juillet 1897. L’envie de découvrir les autres clichés de cette expédition est grande… on aurait aimé en voir plus dans cette édition…

L’auteur s’appuie sur ces photographies et des extraits du journal d’Andrée pour nous faire voyager dans le désert blanc du Svalbard. On voyage également dans le temps avec le récit de l’expédition d’Ernest Shackleton en 1914, la mémoire de Léonie d’Aunet, partie découvrir le Svalbard à 19 ans en 1839, le travail des frères
Montgolfier…

Hélène Gaudy imagine le périple des trois suédois, leurs tentatives d’avancer dans ce
monde dangereux et inhospitalier. On s’attache à ces explorateurs, dont la fin tragique est inéluctable, et qui trouveront la mort à l’automne suivant après une longue marche en direction du sud.

Editions Actes Sud 21€ – 320 pages