Notre incroyable voyage vécu cet hiver sur la côte Ouest du Groenland pourrait se résumer à ce proverbe local « seuls le temps et les glaces sont maîtres ». Car, au Groenland, la nature dicte le quotidien et rien n’est prévisible. Nous en avons fait l’expérience tout au long de notre séjour.

Pour faire bref : 6h de retard d’avion à l’aller puis 12h de retard au retour liés aux aléas de la météo mais aussi aux problèmes techniques aériens. Nous devions également séjourner deux nuits dans le petit village de Oqaatsut, situé à moins de trente kilomètres d’Ilulissat. Ancien comptoir de chasseurs de baleines hollandais au XVIIIe siècle, appelé Rodebay à l’époque, Oqaatsut compte aujourd’hui une cinquantaine d’habitants à l’année. Lors de ce court séjour, nous avions prévu de rencontrer Julien Caquineau, un français installé à Oqaatsut depuis 2004. Mais malheureusement, nous n’avons pas pu rejoindre le petit village. Une banquise brisée et trop instable, une mer trop agitée et une neige à l’état de glace sur les terres ont rendu toutes les possibilités pour s’y rendre (bateau, motoneige et chien de traîneau) beaucoup trop risquées.

Pour terminer avec les mauvaises surprises, notre seconde sortie en mer prévue pour observer les icebergs de plus près, a du être annulée en raison d’une mer totalement démontée ce jour-là.

Mais on vous rassure ! Au-delà de ces quelques aléas liés aux caprices incontrôlables de la nature, le Groenland nous a véritablement émerveillées par sa beauté, incomparable à ce que nous avons pu voir auparavant. Nous y avons également découvert une culture riche et préservée ainsi que des habitants d’une extrême gentillesse et d’une humilité exemplaire.

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A présent, le Groenland s’ouvre progressivement au tourisme. Une opportunité pour le pays – diront certains – de s’affirmer encore davantage suite à son autonomie territoriale obtenue en 1979. Une manière également de tourner la page et panser ses blessures passées. On pense bien sûr aux multiples colonisations subies mais aussi au tragique accident aérien impliquant un bombardier américain B-52 survenu en 1968. Perdant quatre bombes nucléaires au large de Thulé, de nombreux Inuits, réquisitionnés pour participer aux opérations de nettoyage, décéderont des suites de pollution radioactive.

Aujourd’hui, le pays doit faire face à un autre problème de grande ampleur, le réchauffement climatique. Même si certains Groenlandais ne voient pas ce changement comme néfaste pour eux, il n’empêche que le réchauffement climatique menace très fortement leur manière de vivre et leur culture qu’ils défendent depuis des milliers d’années.

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Cap vers le Groenland

Poser les pieds au Groenland était un rêve pour nous deux depuis de très nombreuses années. Et ce voyage est allé bien au-delà de nos espérances. Pour cette première expérience hivernale au Groenland, nous avons choisi de découvrir la beauté de la baie de Disko en séjournant une semaine à Ilulissat.

Pour y arriver, deux solutions possibles : passer par l’Islande ou le Danemark. Nous avons finalement opté pour la seconde, plus économique. Après une nuit forcée à Copenhague (faute d’avions qui s’enchaînent), nous voilà de retour à l’aéroport. Direction cette fois-ci Kangerlussuaq, seul aéroport international du Groenland qui puisse supporter un A330.

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Pour permette à plus d’avions d’atterrir, le pays est d’ailleurs en plein travaux. Nuuk et Ilulissat agrandissent actuellement leurs pistes pour accueillir dans les années à venir des vols en provenance directe de Copenhague et Reykjavik.

En attendant notre vol pour Ilulissat, nous découvrons ce petit aéroport où l’on rentre et ressort comme dans un moulin. Ici, pour les vols intérieurs, il n’existe d’ailleurs aucun contrôle de sécurité ! On en profite pour aller se dégourdir les pattes dans la neige près des pistes de décollage alors que d’autres s’offrent une petite virée en motoneige espérant apercevoir les fameux bœufs musqués.

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Pour le vol Kangerlussuaq-Ilulissat, changement d’ambiance avec le fameux petit Dash 8 d’Air Greenland, tout de rouge vêtu. On vous épargne les complications climatiques qui auraient pu nous ramener à Kangerlussuaq… Après moins d’une heure, nous arrivons enfin à destination !

Ilulissat : une ville traditionnelle et moderne à la fois

Considérée comme l’un des spots les plus touristiques du pays, Ilulissaticeberg » en langue inuit) est la troisième plus grande ville du territoire avec environ 5000 habitants. La capitale Nuuk et Sisimiut, plus au Sud, arrivent respectivement première et seconde sur le podium.

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Dès notre arrivée, le charme opère. Nous sommes totalement séduites par les nombreuses maisons multicolores en bois qui contrastent fortement avec les paysages neigeux. Parcourir la ville est un vrai plaisir, et, ce, malgré les très froides températures cette semaine-là (jusqu’à -41° en ressenti).

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Avec de telles températures, nous sommes surprises de voir que les habitants n’hésitent pas à étendre leur linge dehors en plein hiver. En réalité, l’air est si sec que le linge ne gèle pas et sèche au bout de quelques heures. Quelques peaux de bêtes et poissons séchés sont également suspendus devant les maisons.

A Ilulissat, les chiens sont aussi très présents. C’est ici que l’on dénombre le plus grand nombre de Chiens du Groenland, connus pour leur force, leur résistance et leur docilité. Si les chiots peuvent se balader aisément en liberté et jouer avec les touristes, les quelques chiens présents dans le centre-ville sont tous enchaînés à leur niche. La plus importante partie des chiens servant aux déplacements en traîneau sont regroupés en dehors de la ville. Nous avons d’ailleurs pu goûter aux joies de la glisse avec un attelage de 14 chiens (on vous en parle très bientôt).

Mais derrière ce côté authentique, la ville fait preuve de modernité avec plusieurs restaurants et commerces, deux écoles, un grand gymnase, un hôpital, un poste de police et un port, pris dans la glace pendant l’hiver. Il s’agit d’ailleurs du premier port de pêche du Groenland. Et qu’importe les conditions climatiques – qu’il neige, qu’il vente ou que la mer soit agitée – les pêcheurs sortent tous les jours en mer pour capturer flétans, morues, crevettes ou encore crabes des neiges !

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Les supermarchés sont aussi nombreux en villes. Pisiffik, le plus grand, fait office de référence. Vous y trouverez tout ce dont vous avez besoin : baguettes de pain, fruits, légumes, chocolat…

La ville n’échappe pas non plus aux barres HLM. Quant aux voitures, elles sont bien présentes dans les rues enneigées malgré les courts trajets accessibles à pieds. Les Groenlandais n’hésitent d’ailleurs pas à laisser le moteur tourner pendant leurs diverses courses. Nous qui pensions respirer l’air pur, c’est raté !

Fjord glacé d’Ilulissat, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO

En venant au Groenland, nous espérions apercevoir des icebergs. Et nous n’avons pas été déçues ! Il faut dire que la ville d’Ilulissat, ouverte sur la baie de Disko, est la capitale des icebergs. C’est ici que se trouve le fameux fjord glacé d’Ilulissat (Ilulissat Kangerlua), classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 2004.

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Affichant une superficie de 4 024 km2, ce fjord glacé est l’embouchure maritime du glacier Sermeq Kujalleq. Beaucoup de Groenlandais vous expliqueront que le pays se divise en deux parties avec le Groenland du Nord et le Groenland du Sud. Entre les deux, se trouve ce fameux glacier de Sermeq Kujalleq.

D’ailleurs, rares sont les animaux terrestres à avoir réussi à le traverser. Rennes, bœufs musqués ou encore renards arctiques vivent ainsi dans la partie Sud du pays. Seul l’ours polaire peut se targuer de vivre dans ce milieu très hostile du nord du Groenland.

Considéré comme l’un des plus productifs au monde, le glacier Sermeq Kujalleq crache continuellement un nombre impressionnant d’icebergs. Ces icebergs parcourent à chaque fois le même trajet jusqu’à Terre-Neuve-et-Labrador.

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Pour admirer ces fameux icebergs, Ilulissat est donc devenu un spot très privilégié pour les curieux. Visibles depuis la ville, les icebergs s’admirent également depuis plusieurs chemins de randonnées, dont le plus prisé : celui du site préhistorique de Sermermiut. Sur ce parcours de moins de 2 kilomètres, chaque pas réserve son lot de surprises et d’éblouissement. Plus on avance, plus le spectacle est à couper le souffle avec ces icebergs piégés dans la banquise. Chaque jour, le décor change avec l’arrivée et le départ de nouveaux icebergs, le tout sublimé par une météo capricieuse.

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Pour les observer de plus près, on ne peut que vous conseiller une sortie en mer, à bord d’un vieux bateau de pêche. Pendant deux heures, place à l’émotion et l’émerveillement face à ces immenses blocs de glaces, calmes et redoutables à la fois. Seuls les oiseaux osent s’approcher de très près. A ce moment là, le silence est d’or et la magie opère.

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Un accueil à la Groenlandaise

Beaucoup pensent que les habitants du Grand Nord sont froids et peu chaleureux. A vrai dire, nous voyageons dans ces pays-là depuis une dizaine d’années et c’est tout le contraire. Nous n’avons jamais été mal accueillies ou jugées. En voyageant au Groenland, nous avons également découvert une nation extrêmement chaleureuse et accueillante. Tous les jours, dans la rue, nous avions droit à des salutations et des sourires de leur part. On nous a même offert un Grønlandsk Kaffe un soir (une variante musclée de l’Irish coffee avec whisky, Kahlúa et Grand Marnier, histoire de se réchauffer)

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Mais dès qu’il s’agit de communiquer, c’est plus compliqué. Peu parlent l’anglais, excepté dans les restaurants ou les bars à touristes. La plupart parlent donc le Groenlandais et le Danois. Et vous vous en doutez mais le Groenlandais n’est vraiment pas une langue facile avec ses phrases à rallonge et ses mots imprononçables… Seul un « qujanaq » (merci) a pu être prononcé de notre part.

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La culture du « Kaffemik »

Malgré les difficultés avec la langue, nous tenions absolument à faire ce qu’ils appellent là-bas un « Kaffemik ». Le « Kaffemik » est l’occasion de célébrer un évènement, comme un anniversaire, autour d’un café et de gâteaux. C’est là que nous avons fait la connaissance de Paulina.

Originaire du Nord du Groenland, elle est arrivée à Ilulissat il y a plus d’une dizaine d’années. Paulina est fière de nous montrer ses photos de famille mais aussi ses petits bijoux qu’elle fabrique à la main avec des bois de rennes, de bœufs musqués ou encore des sacs et gants avec de la peau de phoque… Des objets artisanaux et des techniques de tannage qui nous rappellent que nous sommes bel et bien au Groenland. Nous sommes aussi surprises de voir quelques trophées de chasse et pêche disposés aux quatre coins de la maison comme cette imposante corne de narval et ce crâne d’ours polaire. En revanche, pas de Tupilak chez elle, ces fameuses sculptures d’art inuit. On se rend d’ailleurs vite compte qu’il vaut mieux éviter le sujet…

Curieuse de savoir pourquoi nous avons choisi de venir au Groenland, elle finit par nous faire visiter son intérieur. Paulina nous explique qu’elle héberge de jeunes adolescents dont les parents sont alcooliques. La journée, elle se rend chez ces derniers pour discuter avec eux et tenter de les aider. Au Groenland, le problème est moins important que dans les années 70 mais perdure malheureusement encore dans certains endroits… Aujourd’hui âgée de 65 ans, Paulina nous confie prendre sa retraite dans un an.

Au final, on ressort de ce « Kaffemik » heureuses d’avoir pu échanger avec Paulina mais frustrées de ne pas voir pu poser plus de questions fautes de compréhension. A nous donc d’apprendre le Danois ou le Groenlandais avant notre retour là-bas !

Car, oui, nous sommes bien décidées à poser à nouveau les pieds au Groenland à la découverte d’autres endroits plus isolés, dans le Nord et sur la côte Est. Nous sommes persuadées que nous avons encore beaucoup à apprendre de cet immense pays et de ce peuple qui ne cesse de s’affirmer !

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