Spécialiste de la faune et réalisateur de films documentaires animaliers, Guillaume Maidatchevsky s’illustre pour la toute première fois à travers un long-métrage. Intitulé « Aïlo, une Odyssée en Laponie », ce très beau conte animalier familial nous transporte en Laponie, à la découverte d’un petit renne sauvage en perpétuelle lutte pour sa survie.

Dévoilant de magnifiques paysages polaires mais aussi d’incroyables images d’animaux, le tout narré à merveille par le chanteur Aldebert, Guillaume Maidatchevsky nous plonge dans un inoubliable récit initiatique à la fois tendre et drôle.

Retour sur ce très beau premier film en compagnie de son réalisateur Guillaume Maidatchevsky.

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Aïlo, une odyssée en Laponie – © Borsalino Productions

Dans quelles régions de la Laponie avez-vous tourné exactement ?

La Laponie Finlandaise, dans le coin de Posio et Utsjoki. On a aussi tourné en Laponie Norvégienne, dans les environs de Tromsø.

Le tournage a duré 120 jours. Comment se sont passées les conditions de tournage, notamment l’hiver ?

Il faisait -40°. Les conditions n’étaient pas simples. Mais la technique, c’est le millefeuille. Il faut avoir au moins six couches sur soi. Puis on enlève et on remet en fonction des températures. Là bas, si on a le malheur de suer, l’eau se transforme en glace et le corps souffre très vite.

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Aïlo, une odyssée en Laponie – © Borsalino Productions

Comment tourne-t-on avec des animaux sauvages ? J’imagine qu’il faut beaucoup de patience ?

Oui, c’est comme avec des enfants. Il faut être patient et s’adapter. L’animal sauvage n’est pas un comédien. On passe beaucoup de temps à attendre qu’il vienne… ou pas. En fait, j’ai écrit un scénario avant le tournage et c’est pour cette raison que je ne parle pas d’un documentaire. Mais au final, le récit a constamment évolué. Toutes les fins de semaines, je réécrivais en fonction de ce que j’avais tourné pendant la semaine. Je visionnais les rushes et il suffisait d’un petit regard ou d’une patte qui se lève pour orienter mon récit.

C’est Scrat dans L’âge de Glace !

Justement, la rencontre avec certains animaux a-t-elle fait évoluer le scénario ?

Oui, par exemple l’hermine avait trois lignes au départ. Elle est devenue au final une véritable show woman. On rêve d’écrire cette scène mais c’est impossible. Au départ, je n’arrivais pas à filmer l’hermine. Elle était dans son petit trou, loin de nous. Je savais qu’elle était là car on a beaucoup travaillé avec des photographes animaliers qui connaissent très bien la flore animalière. On a beaucoup collaboré avec eux en réseau pour savoir où il était possible d’observer tel ou tel animal. En l’occurrence pour l’hermine, je savais qu’il y avait un petit terrier où nous étions. Mais ça a duré au final six jours. Six jours à ne rien voir. Puis un matin, j’ouvre ma tente et je la vois. Elle me fixe, ça dure deux secondes et elle repart. Le lendemain, on la voit cette fois-ci pendant dix minutes et elle fait son show. Pendant ces six jours, en réalité, l’hermine m’avait observé, elle savait que j’étais là. Je ne bougeais pas donc je n’étais pas un prédateur. Si ça se trouve, cela faisait six jours qu’elle tournait autour de la tente mais pas dans le bon axe (rires). Au départ, nous n’arrivions vraiment pas à la filmer car elle allait beaucoup trop vite. Donc nous avons décidé de fixer la caméra et c’est devenu un film d’animation. C’est Scrat dans L’âge de Glace !

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Aïlo, une odyssée en Laponie – © Borsalino Productions

J’ai lu que vous aviez beaucoup aimé L’âge de glace justement. A quel niveau ce film vous a-t-il inspiré ?

Cela m’a inspiré car le film parle à tous les publics. Je voulais vraiment que les parents ne s’ennuient pas en allant voir Aïlo, une Odyssée en Laponie. Je suis parent aussi et combien de fois je suis allé au cinéma pour faire plaisir à mes enfants mais je me suis ennuyé pendant tout le film. Il fallait donc que je trouve une narration, une façon de filmer afin que la famille ait envie de voir ce film. Il fallait réussir à créer une histoire et des ressorts dramatiques. Dans L’âge de Glace, on découvre plein de vérités, notamment au niveau du réchauffement climatique. C’est un très bon moyen pour sensibiliser les enfants sur cette question. Si, grâce à Aïlo, je leur ai donné envie de s’intéresser à l’animal et d’en savoir plus, c’est un premier pas vers la protection. J’utilise mes outils de réalisateur. Je suis biologise de formation et un biologiste doit être un sachant mais aussi quelqu’un qui sait communiquer. J’ai donc choisi de communiquer à travers les histoires.

Le renard polaire est un animal en voie d’extinction aujourd’hui en Laponie.

Vous évoquez justement la question du réchauffement climatique dans Aïlo. C’était important pour vous d’en parler ?

Oui parce que nous sommes parmi les premiers témoins de ce réchauffement. On le voit au quotidien en Laponie. Je pense à l’impact du réchauffement climatique sur le petit renard polaire par exemple. Cela fait des décennies qu’il vit là-haut sur les sommets. Il s’est adapté à vivre dans le grand froid. Il a très peu de prédateurs et il n’a pas de problèmes pour trouver de la nourriture. Sauf que maintenant là-haut, ça se réchauffe. Le grand renard roux, beaucoup plus grand que lui, monte sur le territoire du petit renard polaire car les températures y sont plus chaudes et il s’accapare toute la nourriture du renard polaire qui se retrouve totalement démuni à présent. Le renard polaire est un animal en voie d’extinction aujourd’hui en Laponie. Moins en Alaska et au Canada mais ça va arriver, forcément.

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Aïlo, une odyssée en Laponie – © Borsalino Productions

Comment décririez-vous votre film ?

Je n’ai pas fait un documentaire. Un documentaire m’impose de capter ce qu’il se passe et il n’y a pas de scénario. Je considère que c’est le récit initiatique de Aïlo. C’est ma façon à moi de voir le film et il y a une mise en scène aussi. Mais en tout cas, je tiens à préciser que les comportements que l’on voit et toutes les scènes filmées existent réellement dans la nature au quotidien.

Oui, comme la première scène avec la mère qui risque d’abandonner son nouveau né…

Oui, on ne peut pas l’écrire cette scène. On ne peut pas la mettre en scène. C’était très fort parce que nous n’étions pas préparés à cela. On s’est posé la question d’ailleurs de savoir ce qu’on devait faire avec ce petit renne, qui venait tout juste de naître…

Vous avez réalisé un certain nombre de documentaires animaliers. Pourquoi avoir choisi un petit renne sauvage comme héros pour ce premier long-métrage ?

C’est une commande de mes enfants. J’ai réalisé beaucoup de films animaliers en Afrique auparavant et je me suis rendu compte que mes enfants connaissaient mieux les lions, les zèbres ou encore les girafes que le renne qui vit proche de nous finalement, en Europe. L’un de mes enfants pensait à cette époque qu’un renne pouvait voler. Du coup j’ai décidé de leur raconter la vraie vie des rennes du Père Noël.

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Aïlo, une odyssée en Laponie – © Borsalino Productions

Au final, Aïlo n’avait pas du tout peur de nous.

Est-ce le même renne que l’on voit pendant tout le film ?

Au tout début, on a filmé différents rennes car on ne savait pas ce qu’ils allaient devenir. Comme je le dis dans le film, la première année d’un renne est très difficile. Mais au bout de trois à quatre semaines, Aïlo s’est naturellement imposé et c’est le même renne jusqu’à la fin. D’ailleurs à la naissance, c’est vraiment lui. En fait, quand Aïlo est né, il a vu non seulement sa mère mais aussi l’équipe du film. Au départ, nous n’arrivions pas à filmer les naissances de rennes. Nous étions trop loin. Mais il y avait cette femelle qui venait à trois ou quatre mètres de nous et se couchait à côté de nous. Puis elle a mis bas quelques jours après et a donné naissance à Aïlo. Elle nous faisait confiance et a transmis à Aïlo la confiance qu’elle avait en nous. Au final, Aïlo n’avait pas du tout peur de nous. Il y a même certains moments où je prends un café et il vient dormir à côté de moi. Il se confronte à moi aussi comme il peut le faire à la fin du film avec ses congénères.

Avez-vous des nouvelles de Aïlo ?

J’y suis retourné il n’y a pas longtemps. L’hiver, les rennes restent souvent au même endroit donc c’est plutôt facile de les retrouver. Il est devenu très grand, très beau et très fier.

Vous a-t-il reconnu ?

Non, je n’irais pas jusque là. Ce serait beau pour l’histoire mais non je ne pense pas.

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Aïlo, une odyssée en Laponie – © Borsalino Productions

Quel a été le moment le plus émouvant du tournage ?

Il n’y a pas forcément de moment plus émouvant que d’autres. C’est surtout la confiance que les rennes et les autres animaux ont eu en nous. La confiance d’Aïlo envers l’équipe. La confiance entre l’Homme et l’animal. Et le moment le plus drôle, je dirais celui avec l’hermine.

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Aïlo, une odyssée en Laponie
En salles le 13 mars 2019
Réalisation : Guillaume Maidatchevsky
Raconté par Aldebert
Production : Borsalino Productions
Distribution et co-production : Gaumont