Aujourd’hui, c’est Christophe Jacrot qui se prête au jeu de l’interview du froid pour Objectif Grand Froid.
Photographe français, Christophe Jacrot photographie les intempéries comme personne. Pluie, neige, blizzard… Le beau temps ne l’intéresse pas ! Parti capturer des instants glacés à Norilsk en Sibérie, sur l’île d’Hokkaido au Japon, en Islande, aux îles de La Madeleine au Québec ou encore au Groenland, Christophe Jacrot les expose jusqu’au 5 janvier 2019 à la Galerie de l’Europe à Paris, dans le cadre de son installation En dessous de zéro. Pour l’occasion, le photographe a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions venues du froid.
Christophe Jacrot, le photographe spécialiste des intempéries
Comment en êtes-vous venu à photographier les intempéries ?
Vraiment par hasard. Je me suis remis à la photographie il y a maintenant une dizaine d’années. J’ai fait une formation de photojournalisme. A l’issue de cette formation, j’ai eu l’occasion de faire un boulot pour un guide touristique. Et dans le cahier des charges, il fallait absolument qu’il y ait du soleil. Mais, pas de chance, cette année-là, j’ai eu un temps vraiment pourri, il pleuvait tout le temps. Et finalement, c’est né comme ça d’un contre-pied avec « Paris sous la pluie ». Dès lors, j’ai commencé à m’amuser avec cette idée-là et j’ai étendu le concept à l’hiver.
Qu’est-ce qui vous fascine tant dans le fait de photographier la neige et le blizzard ?
Je n’ai pas de vraie réponse à cela si ce n’est une dimension vraiment dramatique que l’on trouve dans ces ambiances. J’aime l’intensité qu’il y a dans la dramaturgie du mauvais temps, de la neige, de la tempête.

Quelle a été jusqu’ici la série de photographies la plus difficile à réaliser ?
Norilsk en Sibérie. Il ne faisait pas très froid, il faisait -10°. Mais il y avait un vent d’une violence extrême. Je n’avais qu’une envie, c’était de me mettre à terre. J’ai même eu peur par moment. Je me disais qu’une mauvaise chute serait fatale. Je suis resté une journée et demi à travailler, quasiment non stop et je suis tombé malade ensuite pendant 4 jours alors que j’avais une autorisation de séjour de 9 jours en tout sur place et que mon vol avait déjà été retardé de 3 jours… Il me restait donc la dernière journée où il faisait -32° pour travailler encore un peu.

Et quelles ont été vos impressions à propos de Norilsk, ville totalement isolée et interdite aux touristes ?
Norilsk semble être sur une autre planète comme si on se trouvait dans un endroit inhabitable où il fait -50° toute l’année, avec en prime un régime dictatorial qui a décidé d’y aller parce qu’il y a de l’argent à se faire grâce au nickel. La ville est très spectaculaire avec une ambiance terrifiante. On a par moment la sensation d’entrer dans un film de science-fiction. Il n’y a pas d’équivalence sur la planète pour moi. Je me suis même demandé ce que j’allais pouvoir photographier sur place…
A l’inverse, quelle est la série de clichés que vous avez adoré photographier ?
Toutes en fait mais j’ai beaucoup aimé l’Islande et les îles de La Madeleine au Québec. Par contre, j’ai vécu comme une souffrance mon séjour aux Lofoten, en Norvège, parce qu’il n’y a qu’une seule route. Résultat, on est un peu coincé dans les mêmes endroits. Impossible de s’échapper avec d’un côté la mer et de l’autre la montagne. Côté mer, c’est là qu’il y a quelque chose d’intéressant à faire en prenant un bateau par exemple. Et pour le reste, c’est bondé de photographes ! J’ai halluciné. Par exemple, j’étais garé à un endroit et arrive une camionnette avec 10 photographes qui en sortent avec leur appareil et leur pied. J’étais écœuré ! Ils se mettent au même endroit, avec le même point de vue et font plus ou moins la même photo. Et là je me suis vraiment demandé ce que je faisais là. J’ai quand même réussi à ramener un cliché, exposé à la Galerie de l’Europe. Donc oui, les Lofoten ne sont pas un bon souvenir pour moi. Mais tout le reste si.

Comment travaillez-vous pour capturer les intempéries parfaites ?
J’essaye vraiment de me caler sur la météo et de partir sur une fenêtre météo. Quand il s’agit de partir à l’autre bout du monde, c’est plus difficile. Par exemple, pour cet hiver, j’ai des projets en Iran, dans les montagnes. Mais il va falloir que je parte au petit bonheur la chance, car je ne suis pas sûr qu’il y ait des prévisions météo très fiables.

Quels sont vos projets à venir ?
Je ne pense pas forcément à des pays du Nord sauf le Canada où j’aimerai retourner, mais du côté de l’Alberta cette fois-ci. Pour le reste, j’ai l’Inde en tête, et l’Iran donc également.
« En Dessous de Zéro » de Christophe Jacrot
Du 27 novembre 2018 au 5 janvier 2019
Galerie de l’Europe – 55 Rue de Seine, 75006 Paris
Entrée libre
Catalogue de l’expo sur place 20€
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