Une fois de plus, Les Boréales ont réitéré l’exploit de proposer pendant une dizaine de jours un festival pluridisciplinaire, riche et éclectique. Cette année, 150 évènements mettaient les cultures baltique et nordique à l’honneur à Caen, ainsi que dans 30 villes de la région. Théâtre, littérature, cinéma, musique, design, photographie ou encore monde du cirque : tous les genres artistiques étaient représentés ! Inventif et captivant, le festival normand Les Boréales continue de nous surprendre et de nous émerveiller depuis sa création en 1992!

Les Boréales 2018

La culture des pays du Nord était bien évidemment au rendez-vous avec un week-end littéraire nordique organisé en guise de clôture. Et c’est justement ce week-end du 24 et 25 novembre 2018 que nous avons choisi pour découvrir le festival, dans une ambiance conviviale et chaleureuse.

Retour sur le week-end littéraire nordique

Pendant deux jours, les débats et rencontres littéraires se sont enchaînés au sein de l’Auditorium du Musée des Beaux-Arts de Caen. Et parmi les moments forts, il y a eu ce débat captivant sur « L’identité islandaise : repli ou ouverture ». Pour en discuter, le festival avait convié Sigríður Hagalín Björnsdóttir, journaliste mais aussi auteure du très bon roman L’île (Gaïa) ainsi que sa compatriote Hildur Knútsdóttir, déjà à la tête d’un diptyque : Sanglant Hiver & Dernier Hiver (Thierry Magnier).

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On a également beaucoup apprécié la rencontre avec l’auteure groenlandaise à succès Niviaq Korneliussen. Grâce à son tout premier roman Homo Sapienne (La Peuplade) et son style à la fois moderne et direct, Niviaq Korneliussen a réussi à séduire de très nombreux lecteurs en France.

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L’univers du polar était aussi à l’honneur avec la présence de l’auteure islandaise Yrsa Sigurðardóttir qui vient de publier ADN (Actes Sud) et la Suédoise Camilla Grebe qui, elle, a sorti Le Journal de Ma Disparation (Calmann-Levy).

Dimanche 25 novembre, l’Islande était une fois encore sous les feux des projecteurs avec un débat autour des« Générations islandaises ». Pour l’occasion, le festival avait invité le célèbre Einar Már Guðmundsson (Les Rois d’Islande) dont la première participation remonte à 1994, et Arnar Már Arngrímsson (Viré Au Vert), présent pour la première fois à Caen.

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Le public a également eu l’opportunité de découvrir le très touchant auteur danois Michael Enggaard, venu défendre son tout premier roman Le Blues du Boxeur (Gaïa).

Enfin, la journée et le festival se sont achevés sur un moment unique autour du travail de traduction. Pour en discuter, deux grands noms de la traduction islandaise qui ne chôment pas : Eric Boury et Jean-Christophe Salaün. Collègues mais aussi amis dans la vie, les deux traducteurs se sont prêtés au difficile exercice de la joute de traduction. Ce fut l’occasion d’en apprendre plus sur ce dur métier qui demande beaucoup de précision et de rigueur.

Sans conteste, les débats étaient de haut niveau et on en profite également pour féliciter les animateurs pour leurs questions aussi pertinentes que justes : Marie-Madeleine Rigopoulos, Sophie Peugnez ainsi que Gérard Meudal.

Festival Les Boréales 2019 Norvège

Les Boréales 2019 : cap sur la Norvège

Le festival normand Les Boréales continue sur sa lancée et prépare déjà son édition 2019, qui portera sur la richesse culturelle de la Norvège (14-24 novembre).

La suite ? Le Danemark, le Groenland et les îles Féroé en 2020, la Suède en 2021 à l’occasion des 30 ans des Boréales, et le retour flamboyant de l’Islande en 2022.

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Rencontre et interview avec Jérôme Remy, Directeur Artistique des Boréales

Le festival Les Boréales, édition 2018, s’est achevé. Pouvez-vous nous dresser un premier bilan de cette 27ème édition ?

On est satisfait des propositions faites car on avait des créations, des premières françaises, des projets inédits, des choses atypiques. On a ouvert sur un focus avec les trois républiques baltes. C’était intéressant pour nous de voir comment notre public, très habitué à la culture nordique, allait répondre. Et ça a plutôt bien fonctionné. Concernant la programmation nordique, on a eu des choses nouvelles comme le projet de jazz Rymden qui se produisait pour sa première date française avant la sortie de l’album au mois de janvier. On a aussi eu la première française du cirque Cirkor.

Quels ont été vos coups de cœur sur cette 27ème édition des Boréales ?

Le concert de Nils Petter Molvær, le trompettiste norvégien qui jouait avec la session rythmique jamaïcaine de Sly & Robbie. C’est un duo mythique qui a produit plus de 100 disques majeurs de l’Histoire de la musique dont Bob Dylan, les Rolling Stones et Gainsbourg. Je ne suis pas un grand fan de Reggae et Dub, mais c’était vraiment une rencontre improbable entre la Jamaïque et la Norvège.

Niviaq Korneliussen s’autorise à avoir un discours sur des problématiques qui sont complètement universelles.

Quels ont été vos coups de cœur littéraires ?

Niviaq Korneliussen nous a beaucoup émus et touchés. Parce que le Groenland est évidemment un territoire que l’on essaye d’appréhender dans la programmation du festival. Mais finalement, on est toujours ramené à l’immensité de ce pays, à la banquise, aux problématiques liées au climat. Et Niviaq Korneliussen ne parle pas du tout de ça dans son roman Homo Sapienne. Elle parle de quelque chose de bien plus vaste que cela : l’intime. Elle s’autorise à avoir un discours sur des problématiques qui sont complètement universelles. Ce n’est pas simple de faire venir quelqu’un du Groenland. C’est trois avions, 36h de voyage. C’est très cher. Mais on avait vraiment envie de faire ce pari là ! On a également eu un coup de cœur pour le roman islandais de Sigríður Hagalín Björnsdóttir, L’île, tout comme le livre de Hildur Knútsdóttir. Ce sont deux ouvrages sur cette Islande « envahie » d’une certaine façon par les touristes. Et l’idée d’imaginer un pays qui se referme, qui vit en autarcie ou qui est envahi et qui doit se protéger… C’est un sujet forcément très fort.

On essaye d’organiser un festival propre à la culture des pays du Nord, c’est-à-dire pluridisciplinaire

Comment procédez-vous pour la sélection et la programmation du festival d’année en année ?

C’est un travail de 18 mois. Là, on s’est vraiment imaginé à 5 ans, c’est-à-dire qu’on a tous les pays et toutes les dates jusqu’en 2023. Et on se projette surtout en 2021 car ce seront les 30 ans du festival.  En tant que directeur artistique, comme beaucoup, je fonctionne uniquement aux coups de cœur. Pas de manière auto-centrée. Mais l’enjeu c’est de s’inscrire dans une conviction totalement individuelle, comme par exemple pour Niviaq Korneliussen. J’aurais très bien pu passer totalement à côté du roman. Mais cette conviction individuelle, il faut arriver à en faire une adhésion collective. Les Boréales n’est pas le festival le plus beau et le plus grand de France mais il est singulier. Il n’en existe pas beaucoup d’autres sur les questions nordiques. Et puis il y a vraiment une espèce de communauté de spectateurs et ça c’est vraiment chouette. On essaye également d’organiser un festival propre à la culture des pays du Nord, c’est-à-dire pluridisciplinaire ; ce qui est très difficile à faire dans un contexte français. Le festival c’est aussi 150 évènements dont 90 gratuits. Là encore, on essaye de faire en sorte que la culture soit vraiment accessible. Ca n’aurait pas de sens pour moi de faire un festival sur les pays nordiques sans épouser des pratiques ou des modes de fonctionnement scandinaves. Et puis surtout, on essaye de ne pas hiérarchiser. Un concert de hip-hop est aussi important que le nouveau cirque ou la musique contemporaine. Il n’y a pas une culture qui en domine une autre en Scandinavie. Et c’est pour cette raison que la forme pluridisciplinaire est extrêmement difficile à faire.

Avez-vous un pays nordique préféré ?

Non, j’aime tous les pays nordiques et je vois également leurs limites à tous. Après j’aime beaucoup la Finlande qui est un pays extrêmement modeste je trouve mais sans doute le plus intéressant. Il est plein d’ambivalences. Le niveau d’éducation est incroyable. Même chose pour la photo finlandaise, le nouveau cirque, la littéraire, la musique contemporaine…

Il y a ici en Normandie le Département des études nordiques, le seul en France où il est possible d’apprendre le Finnois et l’Islandais aux côtés des trois langues germaniques que sont le Danois, le Norvégien et le Suédois.

Ressentez-vous un engouement grandissant pour la culture nordique ?

En Normandie, cela a toujours existé. La Normandie, étymologiquement, se réfère aux Hommes du Nord, à l’invasion des Vikings. Et puis il y a en Normandie le Département des études nordiques, le seul en France où il est possible d’apprendre le Finnois et l’Islandais aux côtés des trois langues germaniques que sont le Danois, le Norvégien et le Suédois. On a également ici tous les traducteurs littéraires qui vivent à Caen. Pour l’Islandais, il y a bien sûr Jean-Christophe Salaün et Eric Boury. Le Dico Franco-Islandais est également né ici. Toute la littérature a été traduite ici depuis une cinquantaine d’années. Donc il y a un enracinement très très fort à la culture nordique.

 

On termine par une vidéo retour sur les Boréales, publiée par le festival :

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