Photographe primé, activiste environnemental et explorateur polaire depuis une vingtaine d’années, Sebastian Copeland a parcouru à pied plus de 8000 km de notre planète, à travers l’océan Arctique, le Groenland et l’Antarctique. Captant des instants de pure beauté, il est aussi témoin du réchauffement climatique et de ses conséquences…

sebastian COPELAND GalerieSa saisissante exposition, « De Pôle en Pôle : un monde qui disparaît », est présentée sur les grilles du Jardin du Luxembourg jusqu’au 13 janvier 2019 et à la NextStreet Gallery jusqu’au 28 octobre 2018. Nous avons eu la chance de rencontrer ce photographe, passionné et passionnant, lors de son passage à Paris.

 

Interview des Pôles avec Sebastian Copeland !

80 photos sont à découvrir sur les grilles du Jardin du Luxembourg et 20 sont à admirer à la NextStreet Gallery. Si vous ne deviez retenir qu’un cliché, ce serait lequel et pour quelles raisons ?

C’est difficile comme question… Mais le cliché qui montre le plus le réchauffement climatique, celui qui montre le plus l’empreinte anthropogénique on va dire, est à voir au Jardin du Luxembourg. Il s’agit d’une photo où l’on aperçoit un dépôt de suie sur la glace du Groenland. C’est une image assez choquante car voir cela au milieu d’un environnement vierge, blanc et beau comme la glace du Groenland, ça fait réfléchir. Non seulement cette suie met en évidence la trace humaine mais, en supprimant l’albédo donc la réflexion des rayons infrarouges du soleil, elle accélère la fonte des glaces.
Et à côté de ce cliché, j’ai mis délibérément une photo où l’on peut observer une petite algue qui a été prise dans la glace. On constate qu’il s’agit d’une radiation de chaleur faisant fondre toute la glace autour. C’est pour illustrer ce qu’une toute petite algue est capable de faire. Et à côté donc, il y a toute une étendue de suie. On peut se demander quelle est l’incidence de suie sur une étendue beaucoup plus large…

L’expédition au Pôle Nord est condamnée, elle n’a pas d’avenir.

Quelle a été jusqu’à présent l’expédition la plus difficile et pourquoi ?

La plus difficile, ça reste le Pôle Nord, pas uniquement en terme polaire mais également en terme d’expédition. Elle est extrêmement éprouvante. Mentalement, émotionnellement et physiquement bien entendu. Les conditions de la glace sont particulièrement difficiles et elles s’empirent avec le changement climatique. L’expédition au Pôle Nord est condamnée en plus, elle n’a pas d’avenir.
On marche sur une mer gelée, on est littéralement sur un océan. Cette difficulté se traduit par le grand froid qui vous pénètre jusqu’à l’os, contrairement au froid de l’Antarctique, plus élevé et donc sec. Et puis il y a de nombreux monticules de glace qui peuvent parfois atteindre 3m de hauteur alors qu’on est censé tirer son traîneau. Il y a aussi beaucoup de chéneaux où la glace s’ouvre et se fend… C’est très difficile et surtout très lent. En plus, il y a une durée déterminée par l’incidence du soleil qui ne se lève pas avant la fin du mois de février, alors que la fin de l’expédition est accélérée par la fin d’un printemps qui arrive désormais plus tôt. Le terrain est de plus en plus difficile et entraîne donc un voyage de plus en plus long. Ce mariage d’algorithme ne permet pas une expédition sereine et facile.

Vous comptez tout de même retenter une expédition au Pôle Nord en 2020 ?

Oui parce que je suis borné. J’ai eu une tentative ratée l’année dernière. J’ai 55 ans et je ne veux pas finir les prochaines années de ma vie à me dire que j’ai échoué sur cette expédition. Mais je me donne honnêtement, avec beaucoup de lucidité, moins de 50% de réussite justement pour toutes les raisons évoquées précédemment. Je pense que c’est même généreux. C’est beaucoup plus difficile qu’en 2009 lorsque j’ai réussi à atteindre le Pôle Nord.

En terme de moyens d’action, on est très en retard sur ce qu’il faudrait faire et on se dirige vers une dictature écologique inévitable.

Comme beaucoup de scientifiques, vous évoquez le premier été sans banquise en Arctique à l’horizon 2030-2035. Que faut-il faire concrètement pour éviter cela ?

Pour ça rien. Est-ce qu’il est trop tard pour que rien ne ce soit passé ? Oui, il est trop tard. Est-ce qu’il est trop tard pour réduire l’impact du changement climatique sur d’autres systèmes écologiques ? Non, il n’est pas trop tard pour ça. Il est même nécessaire d’accélérer notre prise d’action. Notre prise de conscience, je pense qu’elle a déjà lieu. Mais en termes de moyens d’action, on est très en retard sur ce qu’il faudrait faire et on se dirige vers une dictature écologique inévitable.

Pour finir, d’où vous vient cette passion et cette envie d’explorer ces endroits polaires ?

C’est surtout pendant l’enfance on va dire. C’était Tintin, Jack London, Jules Verne. C’était le plaisir de l’aventure. Et ensuite, il y a eu les récits de Robert Peary, de Ernest Shackleton, de Roald Amundsen.… qui ont provoqué chez moi une obsession d’explorateur autour de mes 35 ans.

Où voir les photos de Sebastian Copeland ?

Expo « De Pôle en Pôle : un monde qui disparaît »
Sur les grilles du Jardin du Luxembourg, Paris, jusqu’au 13 janvier 2019
A la NextStreet Gallery, Paris, jusqu’au 28 octobre 2018

Le Livre « ARCTICA : The vanishing North » regroupant les magnifiques clichés du photographe explorateur